La république de Weimar : la démocratie mort-née ? (1/2)
Il est une idée communément admise que la république de Weimar n’est, dans l’histoire de l’Allemagne, qu’une phase de transition entre l’Empire et le IIIe Reich. Comme si cette république, qui a instauré dès sa création la journée de huit heures et le droit de vote universel masculin et féminin (35 ans avant la France) n’avait fait que rouler à tombeau ouvert vers Hitler et le nazisme. Rappelons-nous que s’il est une matière imperméable au déterminisme, c’est l’Histoire.
C’est le prince Max de Bade, succédant à Hertling au poste de chancelier de l’Empire, qui effectue la transition constitutionnelle devant mener à la république : responsabilité ministérielle devant la Chambre, transfert au Reichstag du droit de déclarer la guerre et de faire la paix, les bases du parlementarisme. Les facteurs expliquant ces réformes sont nombreux. L’Allemagne est épuisée, la population n’a plus aucune affection pour un Empire qui l’a menée au désastre, la fièvre révolutionnaire gronde, et surtout, il faut pouvoir inspirer confiance au président Wilson en vue des négociations de paix. Une Allemagne démocratique a des chances de désarmer les vainqueurs en retournant contre eux leurs propres principes (les 14 points de Wilson).
Le 9 novembre 1918, la république est proclamée, l’armée se déclare solidaire du nouveau gouvernement et Max de Bade transfert tous les pouvoirs au socialiste majoritaire Ebert (dirigeant du SPD). A sa charge de construire la république et surtout de contrer la révolution communiste qui couve. Les premières élections de la république sont un succès pour Ebert : la coalition « républicaine » qu’il a formée et qui réunit SPD, libéraux et Zentrum (le parti du centre catholique) remporte 75% des voix et des sièges alors que le taux d’abstention n’est que de 17%.
Mais si la toute nouvelle république s’installe à Weimar, c’est bien parce que la situation à Berlin et dans nombre de grandes villes est chaotique. La révolution spartakiste de Karl Liebknecht et de Rosa Luxembourg a éclaté, et Ebert parvient à l’écraser grâce au soutien de l’armée, dont les officiers, élevés par l’Empire, sont terrifiés à l’idée d’une révolution « rouge ». La république reprend petit à petit le contrôle de l’Allemagne, même si elle devra encore faire face à plusieurs putschs, dont le plus sérieux sera le putsch de Kapp (1920), et que les assassinats politiques seront monnaie courante tout au long de sa courte vie.